La troisième heure :
Eclaircissement sur le sacrifice
Lorsque le Christ, après le chemin du calvaire et le supplice au Golgotha, expira sur la croix, s’étant écrié que le
Père l’avait abandonné, il y eu comme une éclipse totale de l’univers. Ces épisodes relatés par les Evangiles
ouvrirent l’horizon qui, de la vanité apparente du sacrifice du sacrifié à la résurrection du Sauveur et à son
assomption furent le levain d’une chrétienté qui façonna le monde à son image. La prédiction de la croix , pure
folie pour ceux qui périssent, devint ainsi pour Saint-Paul, preuve de la puissance de Dieu pour ceux qui ont
sauvés et gagnent le salut.
Mais ils tournèrent aussi la face profane des hommes et des artistes vers un imaginaire puissant qui marqua de
son empreinte indélébile toute l’histoire de l’Art. Du plus haut Moyen-Age théophanique et primitif jusqu’à nos
expressionnismes modernes et engagés.
Déjà, le retable de Mathias Grünewald édifié à Issenheim entre 1512 et 1516 par ce contemporain de Cranach,
Holbein et Dürer concrétisa une volonté d’expression totale, une intensité dramatique et une part de fantastique
qui tracèrent la voie de bien des peintres et des courants picturaux.
Cette exposition collective en perpétue ainsi la forme et l’intention. Au-delà de son aspect spectaculaire, elle
tente avec succès d’établir une unité de propos au travers de la diversité et de l’éclectisme des œuvres soumises
à son regard.
Car c’est lorsqu’il y a, en nos cœurs vides des profondeurs intimes et surnaturelles d’où sortent d’inexprimables
gémissements. C’est lorsque nous essayons de rire entre personnes bien élevées devant le spectacle d’un monde
en perdition. C’est lorsque les métaphysiques deviennent impuissantes et que les messianismes prometteurs se
relèguent aux oubliettes des Temps Ordinaires.
Et que l’avenir dure trop longtemps vouant les parousies à la caducité, que les peintres et les sculpteurs nous
prennent à la fois aux tripes et à l’âme. Dans ce saisissement qui nous pousse à considérer, à l’instar de René
Girard (la Violence et le Sacre) que le sacrifice, expression de la plus souffrance, est pur paradoxe puisqu’il a
pour dessein la conjuration de la barbarie intrinsèque aux peuples divisés et aux civilisations mortelles. Dans
une trilogie et un croisement des origines qui réuniraient Oedipe, Dionysos et Jésus-Christ dans une préscience
de la symbolique universelle de la Croix.
Cette croix et ce mystère qui ressurgissent des profondeurs archétypales de notre inconscience collective et que
les artistes brandissent derechef quant les grandes religions du Livre dépérissent laissant l’île de l’humanité à la
dérive.
Et de tous les créateurs ici présents (les citer) invoquent à l’envi pour l’Homme, la Création et l’Animal, dans la
plus grande fécondité des styles, des techniques, des matières et des propos. Associant la dureté implacable du
métal à la légèreté de la gouache, le baroque torturé d’une statuaire héritée d’une goétie cathédralesque au
hiératisme d’une facture qui fait écho au quattrocento.
Si Apollinaire nus disait que la pupille est « Christ de l’œil », pourrions à notre tour dire que le regard des
peintres et des sculpteurs est figuration d’un possible Christ, simple trace laissée au linceul et pure image de
vérité, afin qu’au-delà de la souffrance et de la mort, nous puissions retrouver la fraternité des hommes.